Qui est responsable en cas d’accident de la circulation ?
Règles de responsabilité applicables
La loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, institue un régime spécifique d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation. Ce régime est d’application exclusive dès lors que ses conditions sont réunies. Il ne peut être écarté au profit du droit commun de la responsabilité civile, notamment des articles 1240 et suivants du Code civil9,10.
Champ d’application de la loi Badinter
Pour que la loi du 5 juillet 1985 s’applique, trois conditions cumulatives doivent être réunies :
- Un accident de la circulation : Il doit s’agir d’un événement soudain, imprévu, survenu sur une voie ouverte à la circulation, impliquant au moins un véhicule terrestre à moteur12,4,5,6,7.
- L’implication d’un véhicule terrestre à moteur : Le véhicule doit être soumis à l’obligation d’assurance, ce qui inclut les voitures, motos, camions, ainsi que leurs remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres1,2,12,4,5,6,7.
- Un dommage causé par l’accident : Il doit exister un préjudice, corporel ou matériel, résultant directement de l’accident11.
La notion d’« implication » du véhicule est entendue largement : il suffit que le véhicule ait joué un rôle quelconque dans l’accident, sans qu’il soit nécessaire de démontrer un lien de causalité direct ou une faute du conducteur8,12.
La loi s’applique aussi bien aux victimes transportées qu’aux piétons, cyclistes ou autres usagers de la route, sous réserve de certaines exceptions prévues par la loi, notamment en cas de faute inexcusable de la victime non conductrice ou de recherche volontaire du dommage1,12,13,14.
Détermination du responsable
La loi Badinter met l’accent sur l’indemnisation des victimes plutôt que sur la recherche d’un responsable au sens classique. Ainsi, la victime sollicite la réparation de ses préjudices auprès du conducteur ou du gardien du véhicule impliqué et de son assureur15.
Pour les victimes non conductrices (piétons, passagers, cyclistes), l’indemnisation est de principe, sauf si la victime a recherché volontairement le dommage ou a commis une faute inexcusable qui a été la cause exclusive de l’accident12,1,24,14,13. La faute inexcusable est définie comme une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience13.
Pour les conducteurs victimes, la faute commise par le conducteur peut limiter ou exclure son droit à indemnisation, à condition que cette faute ait un lien causal avec le dommage subi26,18,19,20. Il n’est pas nécessaire que la faute soit la cause exclusive de l’accident, mais elle doit avoir contribué à la réalisation du préjudice26,18,19.
La force majeure et le fait d’un tiers ne peuvent être opposés à la victime par le conducteur ou le gardien du véhicule impliqué1,21,14.
Rôle de la faute dans la responsabilité
Faute du conducteur victime
La faute du conducteur victime d’un accident de la circulation peut limiter ou exclure son droit à indemnisation. Selon l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985, la faute du conducteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis. Pour que cette limitation ou exclusion soit retenue, il faut que la faute ait un lien causal avec le dommage subi, sans qu’il soit nécessaire qu’elle soit la cause exclusive de l’accident26,18,19,20. Toute faute, même légère, du conducteur victime, ayant contribué à la réalisation de son préjudice, peut donc réduire ou supprimer son indemnisation. L’appréciation de cette faute se fait indépendamment du comportement des autres conducteurs impliqués26,18.
Faute de la victime non conductrice
Pour les victimes non conductrices (piétons, passagers, cyclistes), la loi est plus protectrice. Leur propre faute ne peut leur être opposée pour limiter ou exclure leur indemnisation, sauf si cette faute est inexcusable et constitue la cause exclusive de l’accident, ou si la victime a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi, selon l’article 3 de la loi du 5 juillet 198513,14,12,23,23.
Faute d’un tiers ou force majeure
La force majeure ou le fait d’un tiers ne peuvent être opposés à la victime pour exclure ou limiter la responsabilité du conducteur ou du gardien du véhicule impliqué, conformément à l’article 2 de la loi du 5 juillet 19851,21,24. Ainsi, seule la faute de la victime peut, dans certains cas, limiter ou exclure son droit à indemnisation.
Cas particuliers d’inapplication de la loi
La loi du 5 juillet 1985 ne s’applique pas dans certains cas, notamment dans les rapports entre le transporteur et le propriétaire d’une marchandise endommagée lors d’un déchargement, lorsque ces parties sont liées par un contrat de transport. Dans ce cas, ce sont les dispositions d’un autre Code qui s’appliquent26.
Conclusion
Le régime de responsabilité en matière d’accident de la circulation est donc marqué par une protection renforcée des victimes, avec des cas d’exclusion strictement encadrés : la faute inexcusable de la victime non conductrice, la faute du conducteur ayant un lien causal avec le dommage, et la recherche volontaire du dommage. La force majeure et le fait d’un tiers ne peuvent être opposés à la victime pour exclure la responsabilité du conducteur ou du gardien du véhicule impliqué, selon la loi du 5 juillet 1985 et les articles du Code de la route et du Code des assurances précités.
Références
- 1. legislations: Art. L122-1, Code de la route
- 2. legislations: Art. L211-8, Code des assurances
- 3. jurisprudences: CA Versailles, 14-11-2024, n° 23/02270
- 4. jurisprudences: CA Montpellier, 04-03-2025, n° 22/01854, Confirmation
- 5. revues: Quelle indemnisation pour les victimes d’accident de la circulation ?
- 6. revues: Précisions sur les conditions d’application de la loi du 5 juillet 1985 et sur le régime d’indemnisation des victimes
- 7. revues: La loi du 5 juillet 1985 et le cas du véhicule seul impliqué dans un accident de la circulation
- 8. ouvrages: L’implication du véhicule terrestre à moteur
- 9. ouvrages: Propos liminaires
- 10. ouvrages: Les exclusions
- 11. jurisprudences: TJ Boulogne-sur-Mer, BSM contentieux<10 000€, 17-12-2024, n° 24/01370
- 12. legislations: Art. Annexe art. A211-11, Code des assurances
- 13. jurisprudences: TJ Paris, 19ème chambre civile, 05-03-2024, n° 23/02102
- 14. jurisprudences: TJ Paris, 19ème chambre civile, 29-10-2024, n° 23/01195
- 15. ouvrages: Le comportement de la victime
- 16. revues: Quelle indemnisation pour les victimes d’accident de la circulation ?
- 17. jurisprudences: TJ Draguignan, Chambre 1, 08-10-2025, n° 22/07377
- 18. jurisprudences: TJ Nîmes, Troisième Chambre Civile, 26-02-2025, n° 23/03789
- 19. jurisprudences: TJ Bordeaux, 6ème CHAMBRE CIVILE, 05-02-2025, n° 23/03454
- 20. ouvrages: Pour les atteintes aux personnes
- 21. ouvrages: L’absence d’exonération pour cause de force majeure
- 22. revues: La faute inexcusable de la victime d’un accident de la circulation
- 23. revues: Accident de la circulation : caractérisation d’une faute inexcusable de la victime non conductrice
- 24. revues: Accident de la circulation : exclusion ou limitation du droit à réparation de la victime conductrice conditionnée à la caractérisation d’une faute certaine commise par celle-ci
- 25. revues: Limitation de l’indemnisation du conducteur du fait de sa faute : l’appréciation souveraine des juges du fond encore et toujours
- 26. ouvrages: L’inapplication de la loi du 5 juillet 1985
